28/11/2025 legrandsoir.info  8min #297469

Les groupes extrémistes de colons israéliens en Cisjordanie : un bras non officiel pour l'occupation de la terre palestinienne

Rasem BISHARAT

Sur les collines s'étendant entre Naplouse, Jérusalem, Ramallah et Hébron, un phénomène croissant de groupes extrémistes de colons a émergé, se transformant progressivement en organisations violentes structurées qui intimident quotidiennement les Palestiniens. Ces groupes, composés majoritairement de jeunes colons religieux et idéologiquement extrémistes, sont devenus le bras opérationnel le plus dangereux au service du projet israélien de contrôle de la terre en Cisjordanie. Ils opèrent en dehors de tout cadre officiel tout en s'alignant étroitement sur les politiques gouvernementales d'expansion coloniale dans la zone « C ».

Récemment, un nouveau groupe extrémiste, connu dans les médias hébreux sous le nom de Hilltop Beasts (les « Bêtes des collines »), s'est fait connaître. Composé de dizaines de colons, ce groupe cible de manière répétée les plaines et les terres agricoles palestiniennes par l'incendie criminel, les raids contre les villages et les agressions contre les bergers et les agriculteurs - un phénomène décrit par le quotidien Yedioth Ahronoth comme une nouvelle vague d'extrémisme incontrôlé. Selon des rapports cités par l'agence Ma'an en octobre 2025, ces attaques représentent une escalade qualitative dans la violence coloniale, les collines entre Naplouse, Ramallah et le sud d'Hébron devenant des foyers permanents d'affrontements, souvent avec le soutien indirect des forces d'occupation israéliennes stationnées à proximité.

Les organisations extrémistes de colons dans les collines de Cisjordanie

Les gangs du « Price Tag » (le « Prix à payer »)

Apparus vers 2008, ces gangs extrémistes mènent des attaques punitives contre les Palestiniens en réponse à la démolition de colonies sauvages (outposts) ou à toute mesure gouvernementale perçue comme freinant la colonisation. Leurs tactiques incluent l'incendie volontaire d'oliviers et de cultures, la destruction de biens, la profanation de lieux de culte et des graffitis racistes, généralement la nuit ou tôt le matin, signés du slogan distinctif « Price Tag », marquant un schéma récurrent et organisé de violence.

Les Hilltop Youth (Jeunesse des collines)

Formé entre 1999 et 2000, ce groupe de jeunes extrémistes établit des colonies sauvages illégales sur les collines et opère hors de tout cadre juridique officiel. Leur idéologie varie entre extrémisme religieux et nationaliste, avec des liens historiques avec certaines factions kahanistes. Malgré l'absence de leadership centralisé, ils maintiennent un noyau solide d'acteurs violents régulièrement impliqués dans des raids et des actes de vandalisme, souvent associés aux attaques du « Price Tag ». Les organisations de défense des droits humains ont documenté leur implication dans des incendies criminels systématiques et des agressions, faisant d'eux le bras opérationnel le plus meurtrier de la violence coloniale organisée. Le 1er octobre 2024, ils ont été sanctionnés par le département du Trésor américain.

Les Hilltop Girls (Filles des collines)

Ces groupes féminins étendent le réseau des Hilltop Youth tout en préservant parfois une indépendance organisationnelle. Elles adoptent des idéologies extrémistes similaires et des comportements hostiles, participant à des raids, des vols de récoltes et au harcèlement des agriculteurs, souvent sous le prétexte d'activités agricoles. Des reportages médiatiques et des séquences vidéo diffusées sur les réseaux sociaux documentent leur implication croissante dans la violence coloniale.

Les Hilltop Beasts (Bêtes des collines)

Un terme médiatique utilisé en 2025 par des sources telles que Ynet et Yedioth Ahronoth pour décrire des groupes de jeunes extrêmement violents et extrémistes. Leurs activités documentées incluent des fusillades, l'incendie de cultures, de maisons et de véhicules, des agressions contre des agriculteurs, ainsi que des attaques nocturnes répétées contre des villages palestiniens isolés. Ils représentent la forme la plus extrême de violence coloniale non officielle, menant des attaques semi-organisées de nature terroriste, largement protégées de toute responsabilité juridique.

Structure de soutien : protection militaire, couverture politique et financement organisé

Bien que les gouvernements israéliens successifs déclarent officiellement que les colonies sauvages sont illégales, la réalité sur le terrain révèle un système de protection assuré par l'armée. Les rapports de B'Tselem (mars 2024) indiquent que les soldats restent souvent à proximité des attaques de colons sans intervenir, arrêtant parfois des Palestiniens sous prétexte de « trouble à l'ordre public » tandis que les assaillants se retirent sans être inquiétés.

Sur le plan politique, des partis extrémistes tels que le Parti Sionisme Religieux (dirigé par Bezalel Smotrich) et Otzma Yehudit (dirigé par Itamar Ben-Gvir) soutiennent ouvertement ces groupes, plaidant pour l'expansion des colonies et la légalisation des outposts des Hilltop Youth. Smotrich, en tant que ministre des Finances et chef de l'Administration civile, a redirigé des budgets gouvernementaux vers les infrastructures des colonies sauvages, légitimant de facto ces implantations illégales. Ben-Gvir a encouragé les Israéliens à porter des armes « partout », facilitant l'armement de dizaines de milliers de colons et transformant des individus en acteurs violents autonomes.

À l'extérieur, des organisations juives de droite aux États-Unis et en Europe financent des « fermes de la Torah », servant de couverture coloniale pour la saisie de terres. Parmi les principaux bailleurs figurent Regavim (affiliée à Smotrich), Amana (branche exécutive de Gush Emunim, sanctionnée par les États-Unis), ainsi que des organisations caritatives comme Central Fund of Israel et Hebron Fund.

Ce soutien tripartite - militaire, politique et financier - fait de ces groupes extrémistes un outil non officiel pour imposer le contrôle total d'Israël sur la zone « C ».

Ciblage des Palestiniens : des incendies criminels au déplacement forcé

Les attaques menées par les Hilltop Youth, les outposts et les Hilltop Beasts suivent un schéma organisé et répétitif :

• Agressions physiques et fusillades : attaques documentées contre des civils, y compris femmes et enfants, avec tirs à balles réelles causant blessés et morts, accompagnés d'intimidations dans les maisons et les champs.
• Incendie d'oliviers et de cultures : incendies de grande ampleur, notamment dans des villages comme Turmus'ayya, empêchant l'accès aux terres, confirmés par B'Tselem et l'OCHA.
• Destructions de biens et raids contre les villages : attaques répétées, incluant l'incendie de maisons, de véhicules et d'usines, avec une intervention militaire minimale ou inexistante.
• Agressions contre les agriculteurs et les bergers : vols, empoisonnement du bétail, destruction d'infrastructures agricoles, de panneaux solaires et de citernes d'eau, conduisant à la dépopulation et à la dégradation économique des terres.
• Colonies pastorales sauvages : installation de tentes et de caravanes sur des terres auparavant pâturées, ultérieurement déclarées « terres d'État » pour forcer le départ des Palestiniens.
• Déplacement forcé : des milliers de résidents ruraux et bédouins déplacés entre 2023 et 2025, avec une augmentation record de la violence et des saisies de terres.

Impact sur la terre et la réalité palestiniennes

Ces groupes redessinent les cartes de la Cisjordanie au-delà de la colonisation conventionnelle. Les conséquences incluent :

1. Expropriation progressive des terres : des terres palestiniennes sont rapidement transformées en colonies sauvages permanentes ou en sites religieux connectés à des réseaux coloniaux plus larges.

2. Appauvrissement des villages agricoles : l'accès restreint réduit la production, augmentant la pauvreté et provoquant une migration graduelle vers des zones plus sûres.

3. Fermeture des collines palestiniennes : les postes militaires et les tentes armées empêchent les habitants d'utiliser leurs terres pour des activités agricoles ou économiques.

4. Légitimation par le discours officiel : les territoires sont présentés comme « disputés » tandis que des groupes armés non officiels consolident leur contrôle, étendant systématiquement les colonies illégales dans la zone « C ».

Une violence non officielle sous couverture officielle

Les Hilltop Youth et les Hilltop Beasts agissent comme un outil opérationnel pour Israël, s'apparentant à une ingénierie démographique progressive. Des rapports de B'Tselem et de Yesh Din indiquent que l'armée israélienne facilite ou tolère souvent les attaques tout en arrêtant les Palestiniens défendant leurs terres, transformant la violence individuelle ou collective en une politique de facto.

Conclusion : Violations systématiques et nécessité d'une intervention internationale

Les attaques contre les civils, les récoltes, les maisons et les infrastructures constituent des crimes de guerre au regard de la Quatrième Convention de Genève. Les Palestiniens font face à des menaces constantes contre leur vie, leur mobilité, leurs biens et leurs moyens de subsistance, tandis que les auteurs échappent largement à toute responsabilité juridique. Sur le plan international, ces violations compliquent la diplomatie, affaiblissent la confiance et exacerbent l'instabilité régionale.

Les Hilltop Beasts et les groupes apparentés sont des outils terroristes organisés opérant sous une couverture étatique non officielle. Ils agressent les Palestiniens, saisissent les terres et imposent le déplacement forcé, en violation du droit international, y compris les Conventions de Genève et le droit international des droits humains. La complicité du gouvernement israélien et la protection de l'armée rendent ces actes systématiques, permettant d'atteindre des objectifs expansionnistes par la violence. Une action internationale immédiate est essentielle pour protéger les civils, tenir les auteurs responsables et rétablir le respect du droit international avant que de vastes zones de Cisjordanie ne soient définitivement soumises à une occupation illégale et à un déplacement forcé.

Dr Rasem Bisharat
Docteur en études sur l'Asie de l'Ouest, Commissaire aux relations extérieures - Organisation Al-Baidar pour la défense des Bédouins et des villages ciblés

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